L’émissaire

L’info du jour, c’est la visite du vice-président américain Joe Biden. Il est arrivé hier soir à Nairobi, à bord de son Boing 757 Air Force two (Air Force one est réservé au président himself). Curieusement, la presse kényane regorge de détails en tous genres sur l’avion de Biden, les voitures qui vont le transporter, les mesures de sécurité draconiennes, les embouteillages prévisibles ou le coût de cette visite pour le contribuable américain (chiffré à 1,6 million d’euros environ). Peu de choses en revanche sur le fond.

Il faut dire que celui que les Kényans attendent, depuis plus d’un an, c’est Barack Obama, l’enfant du pays. La visite de son émissaire, si éminent soit-il, ne provoque guère d’enthousiasme. Joe Biden est venu transmettre aux Kényans un message d’Obama qui veut les encourager à réformer leur Constitution. Il doit également discuter avec les autorités kényanes de la situation en Somalie et au Soudan.

Le référendum sur le nouveau projet de Constitution doit se tenir le 4 août prochain mais rien n’assure que ce dernier sera adopté. Il se heurte en effet à l’animosité des Eglises, très influentes au Kenya, opposées à un article qui autorise l’avortement quand la vie de la mère est en danger. Leur campagne pour le « Non » est notamment financée par des mouvements religieux… américains, a révélé récemment la presse kényane.

Outre les Eglises, le projet de Constitution compte de farouches opposants au sein de la classe politique. La figure la plus éminente du camp du « Non » est Daniel arap Moi, ancien président – très autoritaire – du Kenya (de 1978 à 2002 !). Lui et ses partisans sont fortement soupçonnés de défendre leurs intérêts fonciers dans cette bataille. La nouvelle Constitution devrait en effet permettre de revenir sur les appropriations illégales de terres, pratiquées à une large échelle ces dernières décennies. Le texte se veut aussi un meilleur outil de lutte contre la corruption et de protection contre les abus de pouvoir, toutes choses qui ne font pas l’affaire de certains politiques.

Il y a donc un certain suspense autour du sort de ce texte, ouvertement soutenu par le président Kibaki et son Premier ministre Odinga (pourtant adversaires en politique) qui font campagne pour le « Oui » depuis des semaines, mais mollement défendu par certains ministres quand ils ne s’y opposent pas ouvertement.

Lors d’une conférence de presse mardi aux côtés du président Kibaki, Joe Biden a promis une aide accrue des investisseurs américains si les réformes avançaient et si le climat des affaires s’améliorait au Kenya. Sous-entendu, si le projet de Constitution était adopté. L’adoption du texte pourrait aussi donner le feu vert à la visite tant attendue de Barack Obama, qui a promis récemment de venir au Kenya avant la fin de son mandat mais qui a toujours conditionné son voyage à l’avancée des réformes.

3 Réponses to “L’émissaire”

  1. TheBigBoss Says:

    Et pour les non anglophones, la traduction de l’interview de Barack Obama lors de la 47ème fête de l’indépendance du Kenya sur mon blog; interview dans lequel il parle essentiellement du Kenya

    http://www.peperuka.com/2010/06/08/interview-obama-kenya-joe-biden/

    Sur le référendum, ajoutons aussi qu’en plus de l’église, il semblerait qu’Obama se heurte à une classe politique qui a peur du « OUI »… D’après les rumeurs, les politiciens du camp du « OUI » vont en fait voter « NON » car la nouvelle constitution = perte de pouvoirs, risque de condamnation, diminution des salairs, pertes de biens et terrains, etc., la liste est longue

  2. Frédérique Says:

    Raconte-nous en un peu plus sur la religion au Kénya, ça m’intéresse. Bon, ok, je te demande pas ça pour demain car ça requiert pas mal de boulot. Au cas où tu manques d’idées pour ton blog…(ah ah ah la bonne blague).

  3. Claire Says:

    je me doute que Obama sait très bien comment les élites politiques africaines fonctionnent et la certaine exploitation de sa visite comme une approbation; mais à l’inverse, je me demande comment l’Afrique en général, et le Kenya en particulier sont perçus aux Etats-Unis. Est-ce qu’il y a un enjeu économique à leur intervention? un équilibre régional important pour les américains? un lien « historique » culturel via l’histoire de l’esclavage (le roman « Roots » avait bien agité l’opinion là-bas), une lutte contre les influences indienne et chinoise??
    L’intervention des Eglises a toujours été active, mais je me demande pour quel autre intérêt biaisé les US font pression..

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